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CORRESPONDANCE

424. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

[Croisset] Mercredi soir, minuit [7 septembre 1853].

J’attendais toujours une lettre de toi, cher amour, pour savoir où t’adresser celle-ci. Si je n’en ai pas demain, je te l’enverrai néanmoins rue de Sèvres. Comme je te plains de tes douleurs de dents et que j’admire ton courage de m’avoir écrit tranquillement chez Toirac, en attendant l’opération ! Du reste, puisque c’est une du fond, il n’y a que demi-mal.

Je trouve qu’en toutes ces décadences physiques les moindres sont les dissimulées. Aussi la perte de mes cheveux m’a-t-elle réellement embêté. Mon parti en est pris maintenant, Dieu merci, et je fais bien ! car d’ici à deux ans je ne sais s’il m’en restera de quoi même avoir un crâne. Mais parlons de choses plus graves, à savoir ton régime. Je t’assure que tu n’as pas raison. Les viandes substantielles ne remplacent pas le vin. Bois de la bière plutôt ; mais l’eau continuellement est une mauvaise chose. Les maux d’estomac que tu as quelquefois viennent de là.

Je suis très sceptique en médecine mais très croyant en hygiène. Or, ceci est une vérité : dans les climats où l’eau est bonne il n’y a que cela. Partout où pousse la vigne, le houblon ou la pomme, il faut s’en alimenter ; et ne me dis pas que tu ne peux te soigner, car cela, je t’assure, pauvre Louise, me semble un mot cruel. Moi qui vou-