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DE GUSTAVE FLAUBERT.

drais te donner tout si j’avais quelque chose (quand je pense à tes besoins, cher amour, et que je me dis que je n’y peux rien, je rougis en secret comme si c’était de ma faute) ! Est-ce que tu ne peux t’infliger une dépense de 3 ou 4 francs par semaine pour ta santé ? Essaie pendant quelque temps, durant l’hiver, à l’époque de ces froids qui te navrent, et tu verras.

J’ai repris la Bovary. Voilà depuis lundi cinq pages d’à peu près faites ; à peu près est le mot, il faut s’y remettre. Comme c’est difficile ! J’ai bien peur que mes comices ne soient trop longs. C’est un dur endroit. J’y ai tous mes personnages de mon livre en action et en dialogue, les uns mêlés aux autres, et par là-dessus un grand paysage qui les enveloppe. Mais, si je réussis, ce sera bien symphonique.

Bouilhet a fini de ses Fossiles la partie descriptive. Son mastodonte ruminant au clair de lune, dans une prairie, est énorme de poésie. Ce sera peut-être de toutes ses pièces celle qui fera le plus d’effet à la généralité ! Il ne lui reste plus que la partie philosophique, la dernière. Au milieu du mois prochain, il ira à Paris se choisir un logement pour s’y installer au commencement de novembre. Que ne suis-je à sa place !

Décidément, l’article de Verdun (que je crois de Jourdan ; c’est une idée que j’ai) sur Leconte est plus bête qu’hostile. J’ai fort ri de la comparaison que l’on fait avec les beaux morceaux de la chute d’un ange. Quelle politesse d’ours ! Quant aux Poèmes Indiens et à la pièce de Dies irae, pas un mot. Il y a aussi une bonne naïveté : pourquoi appeler le Sperchius, Sperkhios ? Cela me semble une vraie janoterie. Que devient-il, ce bon Leconte ?