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CORRESPONDANCE

de fer et des chauffoirs publics. L’humanité a la rage de l’abaissement moral, et je lui en veux de ce que je fais partie d’elle.

J’ai bien travaillé aujourd’hui. Dans une huitaine, je serai au milieu de mes comices que je commence maintenant à comprendre. J’ai un fouillis de bêtes et de gens beuglant et bavardant, avec mes amoureux en dessus, qui sera bon, je crois. Et cette Servante, quand donc la caresse-t-on ?

Sais-tu que ce pauvre père Parain, en mourant, ne pensait qu’à moi, qu’à Bouilhet, qu’à la littérature enfin ? Il croyait qu’on lisait des vers de lui (Bouilhet). Comme je le regretterai, cet excellent cœur qui me chérissait si aveuglément, si jamais j’ai un succès ! Quel plaisir j’aurais eu à voir sa mine au drame de Bouilhet ou au tien ! Quel est le sens de tout cela, le but de tout ce grotesque et de tout cet horrible ?

Voilà l’hiver qui vient ; les feuilles jaunissent, beaucoup tombent déjà. J’ai du feu maintenant et je travaille à ma lampe, les rideaux fermés, comme en décembre. Pourquoi les premiers jours d’automne me plaisent-ils plus que les premiers du printemps ? Je n’en suis plus cependant aux poésies pâles de chutes de feuilles et de brumes sous la lune ! Mais cette couleur dorée m’enchante. Tout a je ne sais quel parfum triste qui enivre. Je pense à de grandes chasses féodales, à des vies de château. Sous de larges cheminées, on entend bramer les cerfs au bord des lacs, et les bois frémir.

Quand reviens-tu à Paris ? Adieu, bonne chère Louise, mille baisers. À toi.

Ton G.