Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
DE GUSTAVE FLAUBERT.

prophète, un homme-idée, Abd-el-Kader qu’on lâcherait ; mais il a fait son temps.

Il paraît que l’on redoute pour cet hiver une misère soignée. Est-ce possible ! Des gens si forts ! Après avoir tant soigné les intérêts matériels et après avoir tant donné d’ouvrage, tant fait travailler le peuple, il se trouve que le peuple n’a pas un sou ! Charmant ! As-tu vu dans la Presse la joie de Blanqui à propos de l’entrée de la viande étrangère ? Il était malade, mais il n’a pas pu retenir son émotion à cette nouvelle. Il s’est tellement senti déborder d’enthousiasme qu’il a pris la plume pour communiquer au public son bonheur, et au risque même de compromettre sa santé ! Sainte Thérèse n’était pas plus contente d’avoir vu le Christ dans sa chambre que ce gars-là n’est content de voir venir les bœufs d’Amérique en France ! Ô Aristophane et Molière, quels galopins vous fûtes !

C’est parce que je suis au bout de mon papier et qu’il est une heure et demie passée que je te quitte, car je suis fort en train de causer.

Adieu donc, toutes sortes de tendresses.

À toi. Ton G.

430. À LOUISE COLET.
[Croisset] Vendredi minuit [30 septembre 1853].

As-tu encore ta dent ? Fais-toi donc enlever cela, tout de suite, malgré les avis de Toirac. C’est une manie moderne de ces drôles. Il y a dix ans même chose m’est arrivée. Je préparais mon deuxième examen (autre dent), quand je fus pris d’une rage telle que je montai dans un fiacre en