Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
404
CORRESPONDANCE

Je t’eusse écrit plus longuement sans la résolution que j’ai prise de me coucher un peu de meilleure heure. Voilà plusieurs nuits que je n’entre au lit qu’à 4 heures du matin ; c’est stupide.


446. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

[Croisset] Nuit de vendredi, 2 heures
[23 décembre 1853].

Il faut t’aimer pour t’écrire ce soir, car je suis épuisé. J’ai un casque de fer sur le crâne. Depuis 2 heures de l’après-midi (sauf vingt-cinq minutes à peu près pour dîner), j’écris de la Bovary, je suis […], en plein, au milieu ; on sue et on a la gorge serrée. Voilà une des rares journées de ma vie que j’ai passée dans l’illusion, complètement et depuis un bout jusqu’à l’autre. Tantôt, à 6 heures, au moment où j’écrivais le mot attaque de nerfs, j’étais si emporté, je gueulais si fort et sentais si profondément ce que ma petite femme éprouvait, que j’ai eu peur moi-même d’en avoir une. Je me suis levé de ma table et j’ai ouvert la fenêtre pour me calmer. La tête me tournait. J’ai à présent de grandes douleurs dans les genoux, dans le dos et à la tête. Je suis comme un homme qui a trop […] (pardon de l’expression), c’est-à-dire en une sorte de lassitude pleine d’enivrements. Et puisque je suis dans l’amour, il est bien juste que je ne m’endorme pas sans t’envoyer une caresse, un baiser et toutes les pensées qui me restent. Cela sera-t-il bon ? Je n’en