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CORRESPONDANCE

Et toi, l’Aveu marche-t-il ? quand commencent les répétitions de la Montarcy ? Viendras-tu dans nos foyers au commencement de septembre ?

J’ai eu hier la visite du sieur Baudry junior, qui a imité successivement, avec sa bouche, le cor de chasse, le cor d’harmonie, la basse, la contre-basse, le serpent et le trombone. C’est merveilleux. Ce garçon-là est très fort. Tenue des plus négligées. Il porte des souliers de castor comme un bourgeois affecté d’oignons. Il m’a avoué que sa seule passion en ce moment était le « cayeu ». Il va l’acheter lui-même au marché et le mange cru. Énorme. Cet excès de simplicité m’écrase.

Je n’aurais pas été fâché que tu me donnasses quelques détails sur ta rupture avec Durey. « Aucun des écarts de la lubricité ne m’est indifférent », dit Brissac. Mais tu as adopté un genre de correspondance si expéditif, que te demander des détails sur n’importe quoi c’est se casser le nez contre un mur. Je te ferai seulement observer que voilà trois fois que la présence du poète Philoxène Boyer te sert de prétexte. Cherche maintenant d’autres moyens dramatiques, ne serait-ce que par amour-propre !

Ô vieux ! vieux !! Il fut un temps où nous passions chaque semaine vingt-quatre heures ensemble. Puis… Non, je m’arrête ; j’aurais l’air d’une garce délaissée qui gémit.

Adieu, amuse-toi bien, si tu peux. Pioche quand même. Satisfais tes inépuisables ardeurs, emplis ton inconcevable estomac, étale ta monstrueuse personnalité ! C’est là ce qui fait ton charme. Tu es beau ! Je t’aime !