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DE GUSTAVE FLAUBERT.

ce poème, déclame trop souvent. Voilà ma plus grande critique. J’y joins la non-gradation des caractères. Quant aux critiques de détails, je te les abandonne si tu veux, mais les deux que tu relèves, comme roc, lu pour roi, et impures pour impie, tu avoueras que le grief est léger. (Je n’ai pourtant pas lu à la hâte.) Quant à impur, il y en a franchement un tel abus que je ne voyais plus que cela.

Je n’ai point du tout oublié la conduite du sieur Musset et les sentiments que je lui porte sont loin d’être bienveillants. J’ai voulu seulement dire que le châtiment dépassait l’outrage. Il est certain qu’à sa place j’aimerais mieux recevoir un soufflet dans la rue que de tels vers à mon adresse.

Comme tu as mal pris, pauvre chère Muse, ce que je te disais de Karr ! Me supposes-tu donc assez goujat pour te rappeler ces choses dans une intention blessante ? Non ! Si tu avais eu, toujours eu pour conseillers des gens d’un sens pratique aussi bourgeois que moi, et que tu les eusses écoutés, il y a bien des choses qui t’arrivent et qui ne t’arriveraient pas ? Puis tu t’étonnes de ce mot « ridicule ». C’est pourtant le seul exact. On est toujours ridicule quand les rieurs sont contre vous. Voilà ce que j’entendais, et les rieurs sont toujours du côté des forts, de la mode, des idées reçues, etc. Pour vivre en paix, il ne faut se mettre ni du côté de ceux dont on rit ni du côté de ceux qui rient. Restons à côté, en dehors, mais pour cela il faut renoncer à l’action.

Rappelons-nous toujours, ces trois maximes (les deux premières sont d’Épictète, homme peu accusé d’avoir eu une morale relâchée, et la troisième de La Rochefoucauld) : « Cache ta vie. —