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DE GUSTAVE FLAUBERT.

616. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset, fin septembre 1859].

Quel homme que ce père Hugo ! S… n… de D…, quel poète ! Je viens d’un trait d’avaler les deux volumes[1] ! Tu me manques ! Bouilhet me manque ! Un auditoire intelligent me manque ! J’ai besoin de gueuler trois mille vers comme on n’en a jamais fait ! Et quand je dis gueuler — non, hurler ! Je ne me connais plus ! qu’on m’attache ! Ah ! ça m’a fait du bien !

Mais j’ai trouvé trois détails superbes qui ne sont nullement historiques et qui se trouvent dans Salammbô. Il va falloir que je les enlève, car on ne manquerait pas de crier au plagiat. Ce sont les pauvres qui ont toujours volé !

Ma besogne va un peu mieux. Je suis en plein dans une bataille d’éléphants et je te prie de croire que je tue les hommes comme les mouches. Je verse le sang à flots.

Je voulais t’écrire une longue lettre, mon pauvre vieux, sur tous les ennuis que tu as et qui ne me paraissent pas légers, mais franchement il est temps que j’aille me coucher. Voilà 4 heures du matin dans quelques minutes.

Le père Hugo m’a mis la boule à l’envers.

J’ai moi-même depuis quelque temps des ennuis et des inquiétudes qui ne sont pas minces. Enfin, « Allah kerim ! ».

  1. La Légende des siècles.