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CORRESPONDANCE

services nous seraient inutiles. L’affaire est en bon train et a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent de réussir. On a découvert un tas de choses farces et ignobles, entre autres celle-ci : son oncle, un brave homme, établi, piété, considéré, portant breloques et favoris, chauve comme il convient à un penseur et ventru comme il sied à un sage, une tête, enfin ! eh bien, cet excellent monsieur vole son neveu de la manière la plus canaille. Il a fait souscrire à ce malheureux pour 75 mille francs de billets et l’avoué est arrivé juste à temps pour empêcher la fabrication d’un acte qui allait le ruiner net. Il l’est déjà aux trois quarts et, après avoir eu douze mille livres de rentes à lui (sans compter la fortune de sa femme), il ne lui restera peut-être pas, d’ici à six mois, mille écus de rente. Voilà où mène l’amour de l’alcool exagéré.

Planche[1] ne reparaît plus chez lui, car il n’y a plus rien à manger et peu à boire.

Ce que tu me dis de la lecture des Fossiles à Pichat et à Maxime ne m’a nullement surpris. Bouilhet ne m’en a pas parlé ; il ne m’écrit que de simples billets. Ils sont tous, ces braves gens-là, dans un milieu tellement bruyant qu’il leur est impossible de se recueillir pour écouter, d’abord. Puis, quand même ils eussent écouté, c’est là une de ces œuvres originales qui ne sont pas faites pour tout le monde. L’observation de Du Camp : « Quel malheur que les bêtes ne soient pas nommées ! » prouve qu’il a perdu toute notion de

  1. Critique d’art et de littérature. Il publia, sous le titre de Portraits et Nouveaux portraits littéraires, une réunion d’essais sur les principaux écrivains de son temps. Il était très lié avec M. Hamard, beau-frère de Flaubert.