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CORRESPONDANCE

quantité de mouchoirs de batiste à ton honorable concitoyen, comme dit le père Hugo, et douze paires de gants neufs dérobés furtivement et avec quoi j’eusse fait belle patte, car je les avais pris sur mesure. Mais mon serviteur avait une maîtresse (j’ai su depuis qui payait sa toilette). Ô les femmes ! Exemple de moralité à citer aux enfants. Pourquoi la découverte d’un méfait quelconque excite-t-elle toujours ma gaieté ?

J’ai envoyé immédiatement la lettre à M. d’A… Je lis maintenant un livre latin du temps de Louis XIV, qui est d’une gaillardise profonde. Il y a des femmes qui s’instruisent et des séances où les sexes sont entremêlés[1]. C’est charmant ! Je ris tout seul, comme une compagnie de vagins altérés devant un régiment de phallus. À propos de phallus, ce bon Babinet et Lageolais m’intéressent infiniment. Elle a un grand air de corruption, cette fille. Ce doit être une femme à passions. Tu te feras expliquer ce mot par Bouilhet.

En résumé, je me trouve maintenant dans un assez bon état. La Bovary marche, quitte à retomber bientôt, car je vais toujours par bonds et par sauts, d’un train inégal et avec une continuité disloquée, à la manière un peu des lièvres, étant un animal de tempérament songeur et de plume craintive.

Adieu, je t’embrasse malgré ton rhume, ou plus fort à cause de cela.

À toi, ton G.

  1. Il s’agit sans doute de l’ouvrage de Nicolas Chorier : Aloisiae Sigeae satora sotadica (vers 1680).