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CORRESPONDANCE

de la semaine. Nous n’avons guère, jusqu’à présent, eu le temps de causer que de nous. Tout a presque été employé aux Fossiles et à la Bovary. Il a été content de ma baisade. Mais, avant le dit passage, j’en ai un de transition, qui contient huit lignes, qui m’a demandé trois jours, où il n’y a pas un mot de trop, et qu’il faut pourtant refaire encore parce que c’est trop lent. C’est un dialogue direct qu’il faut remettre à l’indirect, et où je n’ai pas la place nécessaire de dire ce qu’il faut dire. Tout cela doit être rapide et lointain comme plan, tant il faut que ce soit perdu et peu visible dans le livre ! Après quoi, j’ai encore trois ou quatre autres corrections infiniment minimes, mais qui me demanderont bien toute l’autre semaine ! Quelle lenteur ! quelle lenteur ! N’importe, j’avance. J’ai fait un grand pas, et je sens en moi un allégement intérieur qui me rend tout gaillard, quoique ce soir j’aie littéralement sué de peine. C’est si difficile de défaire ce qui est fait, et bien fait, pour fourrer du neuf à la place, sans qu’on voie l’encastrement.

Quant aux Fossiles, je trouve cela fort beau et continue à soutenir qu’il fallait s’y prendre de cette façon. Tout le monde, après les Fossiles, eût fait une grande tartine lyrique sur l’homme. Mais l’homme a changé et, pour le prendre complètement, il faut suivre son histoire, le monsieur en habit noir étant aussi naturel que le sauvage tatoué. Il faut donc présenter les deux états et tout ce qu’il y a d’intermédiaire entre eux. Je crois que cette méthode était la plus forte, et la plus difficile surtout. On eût pu sauter par-dessus l’homme complètement. Mais cela eût été une