Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
CORRESPONDANCE

avec Gaskell, qui doit cependant avoir autre chose à raconter que des farces, car c’est un homme sérieux. « Il venait à peine d’entrer chez Barberine », et le voilà qui se blague lui-même, avec ses histoires de chien savant et de volaille phénoménale ! Ses inventions sont cocasses en elles-mêmes, mais le dialogue y répugne ; on ne dit pas ça de soi, Gaskell moins qu’un autre ; il a bien d’autres choses à dire à Barberine. Ces tartines drôlatiques ne sont pas en situation ; il y a là quelque chose qui blesse la délicatesse. Mais l’auteur a voulu montrer son esprit, a voulu briller, admirons-le ! Tu me répondras : « On rit ». Soit ! Mais on a tort de rire.

Je n’ai plus maintenant qu’à admirer sans aucune restriction.

La réapparition de Saint-Bertrand, par un soir d’été, est une fort belle chose, et il dit un mot qui est pour moi une vraie merveille, tant il est simple. « Tu vois ! », dit-il… « Tu vois ! », répète-t-il. Cette répétition-là vous fait venir les larmes aux yeux. Les raccommodements avec Barberine, la comtesse Wanda qui revient, et la prostitution déjà esquissée page 99, très bien, très bien.

À partir du chapitre x, nous entrons dans l’épique, et ça nous tient haletant pendant 106 pages sans discontinuer. Les effets de neige et de paysage, la chanson patriotique des exilés, coupée par des coups, et le bon Eytmin, tout cela est excellent, mon vieux, excellent. Et ça ne faiblit pas. Tu as eu là une fière poussée, résultat d’un plan bien conduit et d’une imagination vigoureuse.

Où as-tu donc pris ce nom de Tiphaine, qui était le nom d’un ami de mon père ?