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CORRESPONDANCE

c’est impossible. Je suis exaspéré contre l’hiver, j’engueule le Temps qui, au lieu d’une faulx, devrait avoir une scie.

Pas du tout, ma belle dame, je n’admire point le roman de Mlle Bosquet : Une femme bien élevée, qui est un livre absolument raté, comme j’ai eu l’honneur de le dire à son auteur. Elle va trop vite. Je l’ai trouvée rayonnante. Elle rajeunit et flamboie.

Quelle narration veux-tu que je te fasse du bal du Prince ? C’était très nombreux et très luxueux comme décorations d’appartements. Ce qui m’a surpris le plus, c’est la quantité de salons : vingt-trois au bout les uns des autres, sans compter les petits appartements de dégagement. « Monseigneur » était étonné de la quantité de monde que je connaissais. J’ai bien parlé à deux cents personnes. Au milieu de cette « brillante société », que vis-je ? Des trombines de Rouen ! Le père L***, le père C***, le père B*** et le père T***, tous les quatre ensemble. Je me suis écarté de ce groupe avec horreur, et j’ai été m’asseoir sur les marches du trône, à côté de la Princesse Primoli. Ladite Princesse m’a envoyé samedi son album pour que j’y mette des pensées fortes. J’y ai mis une pensée, mais qui n’était pas forte. La moitié des dames qui ont assisté au bal du prince sont dans leur lit, malades d’avoir eu froid en sortant. Le désordre des paletots et des voitures était à son comble. J’ai admiré sur la tête de ma souveraine le Régent (15 millions) ; cela est assez joli. Quant à elle, j’en ai toujours été très loin. Mais son petit époux a passé si près de moi que, si j’avais voulu le saluer, je serais tombé sur son nez. La Princesse