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DE GUSTAVE FLAUBERT.

incroyable, car fort peu de gens sont en état de pouvoir examiner froidement les choses publiques, parce que : 1o  presque tout le monde y a ses intérêts engagés ; 2o  on aborde le spectacle avec des idées préconçues, des opinions faites d’avance, et un défaut d’études complet. J’ai bien ri, il y a quinze jours, de voir, après le discours d’Auxerre[1], les impérialistes furieux contre leur idole ! Ces bons bourgeois, qui ont nommé Isidore[2] pour défendre l’ordre et la propriété, n’y comprennent plus rien, et ils admirent M. Thiers qui a les idées d’un commis de M. de Choiseul !!! Eh bien, moi, je crois l’empereur plus fort que jamais. Depuis son entrevue avec M. de Bismarck à Biarritz, il était évident qu’il se brassait quelque chose (mais de tout cela il ne résultera rien que de bon pour la France, momentanément du moins). L’Italie est tellement exaspérée que, si Emmanuel ne se battait pas, il sauterait. Les bons Italiens vont donc se flanquer une tournée avec l’Autriche, mais la France mettra vite le holà. On prendra la Vénétie, on donnera à l’Autriche les provinces danubiennes comme compensation. Nos troupes reviendront du Mexique et tout sera fini, momentanément.

Si nous faisions la guerre, nous nous en retirerions avec le Rhin. Mais je ne crois pas à une guerre où la France s’engagerait très avant, et je n’y crois pas parce que personne n’en veut.

Quant à la question d’argent, c’est, selon moi,

  1. L’Empereur prononça, à Auxerre, le 6 mai 1866, un discours retentissant où il annonça sa résolution de maintenir l’ordre et la paix.
  2. Isidore, sobriquet de Napoléon III.