Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 6.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
CORRESPONDANCE

peut couper les chemins de fer des Prussiens, nous sommes sauvés. Il y a dans Paris 600 000 hommes armés de chassepots et 11 000 artilleurs de la marine, sans compter d’effroyables engins et une rage de cannibale qui anime tout le monde.

Mais causons de toi, ma pauvre Caro ! Comme je m’ennuie de ne pas te voir ! Te fais-tu à la vie de Londres ? Je t’engage à passer de longues séances au British et au National Gallery, ainsi qu’à Kensington. N’est-ce pas que les promenades sur la Tamise sont charmantes ? L’endroit que j’aime le mieux de Londres, c’est la pelouse de Greenwich. Tu ne m’as pas donné des nouvelles de Putzel. A-t-elle eu bien du succès ?

Que dis-tu de Julie[1], qui croit (bien qu’on lui dise) qu’on peut toujours et malgré tout aller à Paris par « la route d’en haut » ?

Les pauvres nous ont laissés, aujourd’hui, plus tranquilles que mardi dernier. Ce qui m’exaspère, c’est le beau temps ; le soleil a l’air de se moquer de nous ! Comme tu dois faire des réflexions philosophiques à Londres, mon pauvre Caro ! Il nous serait impossible de t’y rejoindre, car « les hommes valides » ne peuvent plus sortir de France ! On a arrêté l’émigration.

Adieu, ma chère Caro, ma pauvre fille. Je t’embrasse avec toutes les tendresses de mon cœur.

Ton vieux bonhomme d’oncle.


  1. La vieille bonne qui avait élevé Flaubert.