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CORRESPONDANCE

se traitaient familièrement de « cochonnettes ». Les filles qui restaient dans la tradition de Sophie Arnould, comme Lagier, faisaient horreur. Vous n’avez pas vu les respects de Saint-Victor pour la Païva ! Et cette fausseté (qui est peut-être une suite du romantisme, prédominance de la passion sur la forme et de l’inspiration sur la règle) s’appliquait surtout dans la manière de juger. On vantait une actrice, mais comme bonne mère de famille. On demandait à l’Art d’être moral, à la philosophie d’être claire, au vice d’être décent et à la Science de se ranger à la portée du peuple.

Mais voilà une lettre bien longue. Quand je me mets à engueuler mes contemporains, je n’en finis plus.


1172. À ERNEST FEYDEAU.
Croisset, 30 avril [1871].

Vis-tu encore ? Où es-tu ?

J’ai maintenant la conviction que plusieurs lettres écrites par moi et écrites à moi ont été perdues ou saisies. D’ailleurs, je ne peux expliquer autrement cet énorme trou dans notre correspondance.

Me voilà revenu à Croisset, depuis quinze jours, et j’y retravaille pour ne plus songer aux charogneries contemporaines. Ah ! Cher vieux, comme j’ai envie de te revoir et de causer avec toi ! Mais où nous revoir ? Paris m’a l’air d’être en train de « suivre Babylone ». En tout cas le Paris que nous aimions est fini !!! Au paganisme