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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1335. À MADAME MAURICE SCHLÉSINGER.
Croisset, samedi [5 octobre 1872].
Ma vieille Amie, ma vieille Tendresse,

Je ne peux pas voir votre écriture sans être remué. Aussi, ce matin, j’ai déchiré avidement l’enveloppe de votre lettre.

Je croyais qu’elle m’annonçait votre visite. Hélas ! non. Ce sera pour quand ? Pour l’année prochaine ? J’aimerais tant à vous recevoir chez moi, à vous faire coucher dans la chambre de ma mère !

Ce n’était pas pour ma santé que j’ai été à Luchon, mais pour celle de ma nièce, son mari étant retenu à Dieppe par ses affaires. J’en suis revenu au commencement d’août. J’ai passé tout le mois de septembre à Paris. J’y retournerai une quinzaine au commencement de décembre, pour faire faire le buste de ma mère, puis je reviendrai ici le plus longtemps possible. C’est dans la solitude que je me trouve le mieux. Paris n’est plus Paris, tous mes amis sont morts ; ceux qui restent comptent peu, ou bien sont tellement changés que je ne les reconnais plus. Ici, au moins, rien ne m’agace, rien ne m’afflige directement.

L’esprit public me dégoûte tellement que je m’en écarte. Je continue à écrire, mais je ne veux plus publier, jusqu’à des temps meilleurs du moins. On m’a donné un chien ; je me promène avec lui en regardant l’effet du soleil sur les feuilles qui jaunissent et, comme un vieux, je