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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1619. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Jeudi [28 novembre 1876].

Je vous ai attendue, Princesse, puis j’ai douté, puis j’ai désespéré. Car je me faisais d’avance une fête de vous recevoir (n’eût-ce été que quelques heures) dans ma pauvre maison.

Ce sera pour l’année prochaine, n’est-ce pas ? Cette fois je compte sur vous.

J’ai eu dans ces derniers temps des ennuis de ménage. Mon domestique, que je croyais m’être dévoué, m’a quitté après dix ans de service, et à propos de rien. Mais il faut être philosophe sur ces petites misères comme sur les grandes ! La vie, d’ailleurs, ne se compose pas d’autres choses, à part de courts moments qu’on arrache au sort, par ci, par là.

Je comprends parfaitement la mélancolie que vous éprouvez à quitter Saint-Gratien. À une certaine époque de la vie, tout déplacement est un arrachement. Mais dans quelques jours vous aurez repris l’habitude de la rue de Berri et le petit accès d’amertume sera passé ; des amis plus nombreux viendront vous y voir et le train-train recommencera.

J’espère m’y présenter pour vous souhaiter la bonne année. D’ici là, je reste ici travailler, absolument seul, car ma nièce me quitte la semaine prochaine pour s’en retourner à Paris. Mon troisième conte me donne beaucoup de mal. Je serais bien heureux s’il pouvait vous plaire autant que les deux autres !