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DE GUSTAVE FLAUBERT.

font deux chefs d’accusation. Moi, j’avais à mon compte un troisième outrage : « Et à la morale religieuse », quand j’ai comparu devant la huitième Chambre avec Madame Bovary. Procès qui m’a fait une réclame gigantesque et à laquelle j’attribue les trois quarts de mon succès.

Bref, je n’y comprends goutte ! Es-tu la victime d’une vengeance personnelle ? Il y a là-dessous quelque chose d’inexplicable. Sont-ils payés pour démonétiser la République en faisant pleuvoir dessus le mépris et le ridicule ? Je le crois.

Qu’on vous poursuive pour un article politique, soit ; bien que je défie tous les parquets de m’en démontrer l’utilité pratique. Mais pour des vers, pour de la littérature ? non, c’est trop fort !

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Ils vont te répondre que ta poésie a des tendances obscènes ! Avec la théorie des tendances, on peut faire guillotiner un mouton, pour avoir rêvé de la viande. Il faudrait s’entendre définitivement sur cette question de la moralité dans l’État. Ce qui est beau est moral, voilà tout, et rien de plus.

La poésie, comme le soleil, met l’or sur le fumier. Tant pis pour ceux qui ne le voient pas. Tu as traité un lieu commun parfaitement, et tu mérites des éloges au lieu de mériter l’amende et la prison.

« Tout l’esprit d’un auteur, dit Labruyère, consiste à bien définir et à bien peindre. » Tu as bien défini et bien peint. Que veut-on de plus ? « Mais le sujet, objectera Prudhomme, le sujet, Monsieur ! Deux amants. Une lessivière ! le bord de l’eau. Il fallait prendre le ton badin, traiter cela