Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/243

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— Pour sa maîtresse.

— Pour la vôtre ! s’écria Mme Arnoux, se levant toute droite.

— Je te jure…

— Ne recommencez pas ! Je sais tout !

— Ah ! très bien ! Ainsi, on m’espionne !

Elle répliqua froidement :

— Cela blesse, peut-être, votre délicatesse ?

— Du moment qu’on s’emporte, reprit Arnoux, en cherchant son chapeau, et qu’il n’y a pas moyen de raisonner !

Puis, avec un grand soupir :

— Ne vous mariez pas, mon pauvre ami, non, croyez-moi !

Et il décampa, ayant besoin de prendre l’air.

Alors, il se fit un grand silence ; et tout, dans l’appartement, sembla plus immobile. Un cercle lumineux, au-dessus de la carcel, blanchissait le plafond, tandis que, dans les coins, l’ombre s’étendait comme des gazes noires superposées ; on entendait le tic-tac de la pendule avec la crépitation du feu.

Mme Arnoux venait de se rasseoir, à l’autre angle de la cheminée, dans le fauteuil ; elle mordait ses lèvres en grelottant ; ses deux mains se levèrent, un sanglot lui échappa, elle pleurait.

Il se mit sur la petite chaise ; et, d’une voix caressante, comme on fait une personne malade :

— Vous ne doutez pas que je ne partage… ?

Elle ne répondit rien. Mais, continuant tout haut ses réflexions :

— Je le laisse bien libre ! Il n’avait pas besoin de mentir !