Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/574

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mille francs la semaine prochaine ; et elle narra ses poursuites contre la Maréchale.

Dussardier en fut chagrin, à cause de son ami. Il se rappelait le porte-cigares offert au corps de garde, les soirs du quai Napoléon, tant de bonnes causeries, de livres prêtés, les mille complaisances de Frédéric. Il pria la Vatnaz de se désister.

Elle le railla de sa bonhomie, en manifestant contre Rosanette une exécration incompréhensible ; elle ne souhaitait même la fortune que pour l’écraser plus tard avec son carrosse.

Ces abîmes de noirceur effrayèrent Dussardier ; et, quand il sut positivement le jour de la vente, il sortit. Dès le lendemain matin, il entrait chez Frédéric avec une contenance embarrassée.

— J’ai des excuses à vous faire.

— De quoi donc ?

— Vous devez me prendre pour un ingrat, moi dont elle est…

Il balbutiait.

— Oh ! je ne la verrai plus, je ne serai pas son complice !

Et, l’autre le regardant tout surpris :

— Est-ce qu’on ne va pas, dans trois jours, vendre les meubles de votre maîtresse ?

— Qui vous a dit cela ?

— Elle-même, la Vatnaz ! Mais j’ai peur de vous offenser…

— Impossible, cher ami !

— Ah ! c’est vrai, vous êtes si bon !

Et il lui tendit, d’une main discrète, un petit portefeuille de basane.

C’était quatre mille francs, toutes ses économies.