Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/151

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Hussonnet, en l’apercevant, se renfrogna. Depuis qu’on avait refusé sa pièce, il exécrait les comédiens. On n’imaginait pas la vanité de ces Messieurs, de celui-là, surtout ! « — Quel poseur, voyez donc ! »

Après un léger salut à Rosanette, Delmar s’était adossé à la cheminée ; et il restait immobile, une main sur le cœur, le pied gauche en avant, les yeux au ciel, avec sa couronne de lauriers dorés par-dessus son capuchon, tout en s’efforçant de mettre dans son regard beaucoup de poésie, pour fasciner les dames. On faisait, de loin, un grand cercle autour de lui.

Mais la Vatnaz, quand elle eut embrassé longuement Rosanette, s’en vint prier Hussonnet de revoir, sous le point de vue du style, un ouvrage d’éducation qu’elle voulait publier : la Guirlande des jeunes Personnes, recueil de littérature et de morale. L’homme de lettres promit son concours. Alors, elle lui demanda s’il ne pourrait pas, dans une des feuilles où il avait accès, faire mousser quelque peu son ami, et même lui confier plus tard un rôle. Hussonnet en oublia de prendre un verre de punch.

C’était Arnoux qui l’avait fabriqué ; et, suivi par le groom du Comte portant un plateau vide, il l’offrait aux personnes avec satisfaction.

Quand il vint à passer devant M. Oudry, Rosanette l’arrêta.

— « Eh bien, et cette affaire ? »

Il rougit quelque peu ; enfin, s’adressant au bon homme :

— « Notre amie m’a dit que vous auriez l’obligeance… »

— « Comment donc, mon voisin ! tout à vous. »

Et le nom de M. Dambreuse fut prononcé ; comme ils s’entretenaient à demi-voix, Frédéric les entendait confusément ; il se porta vers l’autre coin de la cheminée, où Rosanette et Delmar causaient ensemble.

Le cabotin avait une mine vulgaire, faite comme les