Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

surprise, avait pensé le bon commis, plairait à Frédéric. Elle le contraria.

La foule témoignait à son président une grande déférence. Il était de ceux qui, le 25 février, avaient voulu l’organisation immédiate du travail ; le lendemain, au Prado, il s’était prononcé pour qu’on attaquât l’Hôtel de ville ; et, comme chaque personnage se réglait alors sur un modèle, l’un copiant Saint-Just, l’autre Danton, l’autre Marat, lui, il tâchait de ressembler à Blanqui, lequel imitait Robespierre. Ses gants noirs et ses cheveux en brosse lui donnaient un aspect rigide, extrêmement convenable.

Il ouvrit la séance par la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, acte de foi habituel. Puis une voix vigoureuse entonna les Souvenirs du peuple de Béranger.

D’autres voix s’élevèrent.

— « Non ! non ! pas ça ! »

— « La Casquette ! » se mirent à hurler, au fond, les patriotes.

Et ils chantèrent en chœur la poésie du jour :


Chapeau bas devant ma casquette,
À genoux devant l’ouvrier !


Sur un mot du président, l’auditoire se tut. Un des secrétaires procéda au dépouillement des lettres.

— « Des jeunes gens annoncent qu’ils brûlent chaque soir devant le Panthéon un numéro de l’Assemblée nationale, et ils engagent tous les patriotes à suivre leur exemple. »

— « Bravo ! adopté ! » répondit la foule.

— « Le citoyen Jean-Jacques Langreneux, typographe, rue Dauphine, voudrait qu’on élevât un monument à la mémoire des martyrs de thermidor. »

— « Michel-Evariste-Népomucène Vincent, ex-professeur, émet le vœu que la démocratie européenne