Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/422

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Mme Dambreuse, qui, se penchant un peu, se mit à regarder Frédéric.

Martinon n’attendit pas les questions de Cécile. Il lui apprit que cette affaire concernait une personne inqualifiable. La jeune fille se recula légèrement sur sa chaise, comme pour fuir le contact de ce libertin.

La conversation avait recommencé. Les grands vins de Bordeaux circulaient, — on s’animait —, Pellerin en voulait à la révolution à cause du musée espagnol, définitivement perdu. C’était ce qui l’affligeait le plus, comme peintre. À ce mot, M. Roque l’interpella.

— « Ne seriez-vous pas l’auteur d’un tableau très remarquable ? »

— « Peut-être ! Lequel ? »

— « Cela représente une dame dans un costume… ma foi !… un peu… léger, avec une bourse et un paon derrière. »

Frédéric à son tour s’empourpra. Pellerin faisait semblant de ne pas entendre.

— « Cependant c’est bien de vous ! Car il y a votre nom écrit au bas, et une ligne sur le cadre constatant que c’est la propriété de M. Moreau. »

Un jour que le père Roque et sa fille l’attendaient chez lui, ils avaient vu le portrait de la Maréchale. Le bonhomme l’avait même pris pour « un tableau gothique. »

— « Non ! » dit Pellerin brutalement ; « c’est un portrait de femme. »

Martinon ajouta :

— « D’une femme très vivante ! N’est-ce pas, Cisy ? »

— « Eh ! je n’en sais rien. »

— « Je croyais que vous la connaissiez. Mais du moment que ça vous fait de la peine, mille excuses ! »

Cisy baissa les yeux, prouvant par son embarras qu’il avait dû jouer un rôle pitoyable à l’occasion de ce portrait. Quant à Frédéric, le modèle ne pouvait être que sa maîtresse. Ce fut une de ces convictions qui se