Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/430

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nêtes. Elle se sentit pour lui pleine d’indulgence. Cependant, il gardait un peu de rancune contre Frédéric.

— « As-tu vu sa mine, lorsqu’il a été question du portrait ? Quand je te disais qu’il est son amant ? Tu ne voulais pas me croire ! »

— « Oh ! oui, j’avais tort ! »

Arnoux, content de son triomphe, insista.

— « Je parie même qu’il nous a lâchés, tout à l’heure pour aller la rejoindre ! Il est maintenant chez elle, va ! Il y passe la nuit. »

Mme Arnoux avait rabattu sa capeline très bas.

— « Mais tu trembles ! »

— « C’est que j’ai froid », reprit-elle.

Dès que son père fut endormi, Louise entra dans la chambre de Catherine, et, la secouant par l’épaule :

— « Lève-toi !… vite ! plus vite ! et va me chercher un fiacre. »

Catherine lui répondit qu’il n’y en avait plus à cette heure.

— « Tu vas m’y conduire toi-même, alors ? »

— « Où donc ? »

— « Chez Frédéric ! »

— « Pas possible ! À cause ? »

C’était pour lui parier. Elle ne pouvait attendre. Elle voulait le voir tout de suite.

— « Y pensez-vous ! Se présenter comme ça dans une maison au milieu de la nuit ! D’ailleurs, à présent, il dort ! »

— « Je le réveillerai ! »

— « Mais ce n’est pas convenable pour une demoiselle ! »

— « Je ne suis pas une demoiselle ! Je suis sa femme Je l’aime ! Allons, mets ton châle. »

Catherine, debout au bord de son lit, réfléchissait. Elle finit par dire :

— « Non ! je ne veux pas ! »