Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/481

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Frédéric l’arrêta, demandant s’il n’y avait pas quelque moyen d’empêcher la saisie ?

— « Oh ! parfaitement ! Qui a payé les meubles ? »

— « Moi. »

— « Eh bien, formulez une revendication ; c’est toujours du temps que vous aurez devant vous. »

Maître Gautherot acheva vivement ses écritures, et, dans le même procès-verbal, assigna en référé Mlle Bron, puis se retira.

Frédéric ne fit pas un reproche. Il contemplait, sur le tapis, les traces de boue laissées par les chaussures des praticiens ; et, se parlant à lui-même :

— « Il va falloir chercher de l’argent ! »

— « Ah ! mon Dieu, que je suis bête ! » dit la Maréchale.

Elle fouilla dans un tiroir, prit une lettre, et s’en alla vivement à la Société d’éclairage du Languedoc, afin d’obtenir le transfert de ses actions.

Elle revint une heure après. Les titres étaient vendus à un autre ! Le commis lui avait répondu en examinant son papier, la promesse écrite par Arnoux : « Cet acte ne vous constitue nullement propriétaire. La Compagnie ne connaît pas cela. » Bref, il l’avait congédiée, elle en suffoquait ; et Frédéric devait se rendre à l’instant même chez Arnoux, pour éclaircir la chose.

Mais Arnoux croirait, peut-être, qu’il venait pour recouvrer indirectement les quinze mille francs de son hypothèque perdue ; et puis cette réclamation à un homme qui avait été l’amant de sa maîtresse lui semblait une turpitude. Choisissant un moyen terme, il alla prendre à l’hôtel Dambreuse l’adresse de Mme Regimbart, envoya chez elle un commissionnaire, et connut ainsi le café que hantait maintenant le Citoyen.

C’était un petit café sur la place de la Bastille, où il se tenait toute la journée, dans le coin de droite, au fond, ne bougeant pas plus que s’il avait fait partie de l’immeuble.