Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/507

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Tiens ! je vais l’acheter. »

— « Mais ce n’est pas curieux », reprit-il.

Elle le trouvait, au contraire, fort joli ; et le crieur en prônait la délicatesse :

— « Un bijou de la Renaissance ! Huit cents francs, messieurs ! En argent presque tout entier ! Avec un peu de blanc d’Espagne, ça brillera ! »

Et, comme elle se poussait dans la foule :

— « Quelle singulière idée ! » dit Frédéric.

— « Cela vous fâche ? »

— « Non ! Mais que peut-on faire de ce bibelot ? »

— « Qui sait ? y mettre des lettres d’amour, peut-être ? »

Elle eut un regard qui rendait l’allusion fort claire.

— « Raison de plus pour ne pas dépouiller les morts de leurs secrets. »

— « Je ne la croyais pas si morte. »

Elle ajouta distinctement : « Huit cent quatre-vingts francs ! »

— « Ce que vous faites n’est pas bien », murmura Frédéric.

Elle riait.

— « Mais, chère amie, c’est la première grâce que je vous demande. »

— « Mais vous ne serez pas un mari aimable, savez-vous ? »

Quelqu’un venait de lancer une surenchère ; elle leva la main :

— « Neuf cents francs ! »

— « Neuf cents francs ! » répéta Me Berthelmot.

— « Neuf cent dix… — quinze… vingt… trente ! » glapissait le crieur, tout en parcourant du regard l’assistance, avec des hochements de tête saccadés.

— « Prouvez-moi que ma femme est raisonnable », dit Frédéric.

Il l’entraîna doucement vers la porte.

Le commissaire-priseur continuait.

— «