Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/265

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Sa bonne la retenait par la jupe. Lestiboudois ratissait à côté, et, chaque fois qu’il s’approchait, elle se penchait en battant l’air de ses deux bras.

— Amenez-la-moi ! dit sa mère se précipitant pour l’embrasser. Comme je t’aime, ma pauvre enfant ! comme je t’aime !

Puis, s’apercevant qu’elle avait le bout des oreilles un peu sale, elle sonna vite pour avoir de l’eau chaude et la nettoya, la changea de linge, de bas, de souliers, fit mille questions sur sa santé, comme au retour d’un voyage, et enfin, la baisant encore et pleurant un peu, elle la remit aux mains de la domestique, qui restait fort ébahie devant cet excès de tendresse.

Rodolphe, le soir, la trouva plus sérieuse que d’habitude.

— Cela se passera, jugea-t-il, c’est un caprice.

Et il manqua consécutivement à trois rendez-vous. Quand il revint, elle se montra froide et presque dédaigneuse.

— Ah ! tu perds ton temps, ma mignonne…

Et il eut l’air de ne point remarquer ses soupirs mélancoliques, ni le mouchoir qu’elle tirait.

C’est alors qu’Emma se repentit !

Elle se demanda même pourquoi donc elle exécrait Charles, et s’il n’eût pas été meilleur de le pouvoir aimer. Mais il n’offrait pas grande prise à ces retours du sentiment, si bien qu’elle demeurait fort embarrassée dans sa velléité de sacrifice, lorsque l’apothicaire vint à propos lui fournir une occasion.