Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/115

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même teinte et même mouvement, exécutant presque mêmes gestes, servant au même usage, dont l’ensemble s’appelle la poste d’Auray.

Au bout d’une heure encore, quand on eut pris dans le pays nombre suffisant de paquets et de commissions et qu’on eut encore attendu quelques passagers qui devaient venir, on quitta enfin l’auberge et l’on avisa à s’embarquer. Ce fut d’abord un pêle-mêle de bagages et de gens, d’avirons qui vous barraient les jambes, de voiles qui vous retombaient sur le nez, l’un s’embarrassant dans l’autre et ne trouvant pas où se mettre ; chacun prit son coin, trouva sa place, les bagages au fond, les marins debout sur les bancs, les passagers où ils purent.

Nulle brise ne soufflait, et les voiles pendaient droites le long des mâts. La lourde chaloupe se soulevait à peine sur la mer presque immobile qui se gonflait et s’abaissait avec le doux mouvement d’une poitrine endormie.

Appuyés sur l’un des plats-bords, nous regardions l’eau qui était bleue comme le ciel et calme comme lui ; et nous écoutions le bruit des grands avirons qui battaient l’onde et criaient dans les tolets. À l’ombre des voiles, les six rameurs entrecroisés les levaient lentement en mesure et les poussaient devant eux ; ils tombaient et se relevaient, égrenant des perles au bout de leurs palettes.

Couchés dans la paille, sur le dos, assis sur les bancs, les jambes ballantes et le menton dans les mains ou postés contre les parois du bateau,