Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/136

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et chatoyait sur le sable. Le vent nous empourprait le visage, il nous le fouettait à grands coups, nous avancions lentement et avec tristesse sur cette grève abandonnée.

Donc nous allions sans mot dire, du mieux que nous pouvions, sans jamais atteindre au fond de la baie où avait l’air de se trouver Plouharnel. Nous y arrivâmes cependant. Mais là, nous tombions dans la mer. Nous avions pris le côté droit du rivage, tandis qu’on devait suivre le gauche. Il fallut rebrousser chemin et recommencer une partie de la route.

Un bruit étouffé se fit entendre. Un grelot sonna, un chapeau parut. C’était la poste d’Auray. Toujours même homme, même cheval, même sac aux lettres. Il s’en allait tranquillement vers Quiberon d’où il reviendra tantôt pour y retourner demain. C’est l’hôte du rivage ; il le passe le matin, il le repasse le soir. Sa vie est de le parcourir ; lui seul l’anime, il en fait l’épisode, j’allais presque dire la grâce.

Il s’arrête ; nous lui parlons deux minutes, il nous salue et il repart.

Quel ensemble que celui-là ! Quel homme et quel cheval ! Quel tableau ! Callot, sans doute, l’aurait reproduit ; il n’y avait que Cervantès pour l’écrire.

Après avoir passé sur de grands quartiers de rocs qu’on a essayé d’aligner dans la mer, pour raccourcir la route en coupant le fond de la baie, nous arrivâmes enfin à Plouharnel.