Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/196

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de fleurs. Bouquets de jonquilles, juliennes, pensées, roses, chèvrefeuilles et jasmins mis dans des vases de porcelaine blanche ou dans des verres bleus, étalaient leurs couleurs sur l’autel et montaient entre les grands flambeaux vers le visage de la Vierge, jusque par-dessus sa couronne d’argent, d’où retombait un voile de mousseline à longs plis qui s’accrochait à l’étoile d’or du bambino de plâtre suspendu dans ses bras. On sentait l’eau bénite et le parfum des fleurs. C’était un petit coin embaumé, mystérieux, doux, à l’écart dans l’église, retraite cachée, ornée avec amour, toute propice aux exhalaisons du désir mystique et aux longs épanchements des oraisons éplorées. Comprimée par le climat, amortie par la misère, l’homme reporte ici toute la sensualité de son cœur, il la dépose aux pieds de Marie, sous le regard de la femme céleste et il y satisfait, en l’excitant, cette inextinguible soif de jouir et d’aimer. Que la pluie tombe par le toit, qu’il n’y ait ni bancs ni chaises dans la nef, partout vous n’en découvrirez pas moins luisante, frottée et coquette, cette chapelle de la Vierge, avec des fleurs fraîches et des cierges allumés. Là, semble se concentrer toute la tendresse religieuse de la Bretagne ; voilà le repli le plus mol de son cœur, c’est là sa faiblesse, sa passion, son trésor. Il n’y a pas de fleurs dans la campagne, mais il y en a dans l’église ; on est pauvre, mais la Vierge est riche ; toujours belle, elle sourit pour tous et les âmes endolories vont se réchauffer sur ses genoux,