Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/249

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la pluie tomber sur les fleurs de sa chevelure, quand sa voix douce appelait les hommes et que sa chair grelottait sur le bord du satin noir.

Ce fut son dernier jour ; le lendemain elle ne reparut plus.

Ne craignez point qu’elle revienne, car elle est morte maintenant, bien morte ! Sa robe est haute, elle a des mœurs, elle s’effarouche des mots grossiers et met à la Caisse d’épargne les sous qu’elle gagne.

La rue balayée de sa présence a perdu la seule poésie qui lui restât encore ; on a filtré le ruisseau, tamisé l’ordure.

Voilà ce que je me disais sur le sofa de ces dames tout en mâchant mon cigare éteint. Je n’y fis pas autre chose, et en nous en retournant nous déplorions dans nos âmes le type perdu dont la plate caricature nous avait glacés d’ennui.

Autrefois, lorsqu’on se promenait, on avait chance aussi de rencontrer des ours, des bateleurs, des tambours de basque, des singes habillés de rouge, dansant sur le dos d’un dromadaire, mais tout cela est également parti, est également chassé, proscrit sans retour ; la guillotine est hors barrière et fonctionne en cachette, les forçats vont en voiture fermée et les processions sont défendues !

Dans quelque temps, les saltimbanques aussi auront disparu, pour faire place aux séances magnétiques et aux banquets réformistes, et la danseuse de corde bondissant dans l’air, avec sa robe