Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/266

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d’une barque qui s’efface en s’étalant. De la plate-forme de l’une des tours (les autres ont des toits pointus) on découvre la mer au bout d’un champ, entre deux collines basses couvertes par des bois. Les fenêtres du premier étage, à moitié bouchées pour que la pluie n’entre pas, plongent sur un jardin clos de grands murs. Le chardon couvre le gazon, et dans les plates-bandes on a semé du blé qu’entourent des bordures de rosiers.

Entre un champ, où les têtes mûres des épis se courbaient ensemble, et un rideau d’ormeaux plantés sur le haut bord d’un fossé, un sentier mince s’allongeait parmi les broussailles. Les coquelicots éclataient dans les blés ; de la berge du haut bord, des fleurs et des ronces s’échappaient ; des orties, des églantiers, des tiges garnies de dards, des grosses feuilles à peau luisante, des mûres noires, des digitales pourprées, unissant leurs couleurs, enchevêtrant leurs branches, montraient leurs feuillages divers, lançaient leurs rameaux inégaux, et sur la poudre grise croisaient comme un filet toutes leurs ombres.

Quand on a traversé une prairie, où tourne, embarrassée dans les joncs, la roue d’un vieux moulin dont il faut longer la muraille en marchant sur de grosses pierres mises dans l’eau, pour servir de pont, on se retrouve bientôt sur la grande route de Saint-Pol, au fond de laquelle se dresse, tailladée sur tous ses angles, la flèche du clocher de Kreizker. Fine, élancée et s’appuyant sur une tour surmontée d’une balustrade, de loin elle fait