Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/291

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Anselin, La Blissais et les autres. La nuit était sombre ; le vent soufflait ; ils grimpaient lentement, le poignard dans les dents, tâtonnant du pied les échelons et avançant les mains. Tout à coup (ils étaient au milieu déjà), ils se sentent descendre, la corde se dénoue. Pas un cri, ils restèrent immobiles. C’était le poids de tous ces corps qui avait fait faire la bascule à la coulevrine ; elle s’arrêta sur l’appui de l’embrasure, puis ils se remirent en marche et arrivèrent tous à la file sur la plate-forme de la tour.

Les sentinelles engourdies n’eurent pas le temps de donner l’alarme. La garnison dormait ou jouait aux dés sur les tambours. La terreur la prit, elle se réfugia dans le donjon. Les conjurés l’y poursuivirent ; on se battit dans les escaliers, dans les couloirs, dans les chambres ; on s’écrasait sous les portes, on tuait, on égorgeait. Les habitants de la ville arrivèrent en renfort, d’autres dressèrent des échelles contre la Quiquengrogne, entrèrent sans résistance et commencèrent le pillage. La Péraudière, lieutenant du château, apercevant La Blissais, lui dit : « Voilà, Monsieur, une misérable nuit ». Mais La Blissais lui fit comprendre qu’il n’était pas temps de discourir. On n’avait pas encore vu le comte de Fontaines. On alla à sa chambre, on le trouva mort sur le seuil, percé d’un coup d’arquebuse que lui avait tiré un des habitants, au moment qu’il sortait faisant porter un flambeau devant lui. « Au lieu de courir au danger, dit l’auteur de la re-