Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

geaient pas, injuriant celles qui se rangeaient, les premières pour tout de bon, les secondes pour rire, vociférant, sacrant, furieux et facétieux, despote de la grande route comme si elle eût été sa propriété particulière.

De Dol à Combourg nous eûmes au contraire pour conduire notre tilbury un pauvre bonhomme qui tenait à peine ses guides et roupillait accablé par la chaleur. Quant à nous, nous causâmes si peu que nous ne pensâmes à rien regarder.

Une lettre du vicomte de Vesin devait nous ouvrir l’entrée du château. Aussi à peine arrivés nous allâmes chez M. Corvesier qui en est le régisseur.

On nous fit attendre dans une grande cuisine où une demoiselle en noir, fort marquée de petite vérole et portant des lunettes d’écaille sur de gros yeux myopes, égrenait des groseilles dans une terrine. La marmite aux confitures était sur le feu et on écrasait du sucre avec des bouteilles. Évidemment nous dérangions. Au bout de quelques minutes, on descendit nous dire que M. Corvesier, malade et grelottant de la fièvre dans son lit, était bien désolé de ne pouvoir nous rendre service, mais qu’il nous présentait ses respects. Cependant, son commis, qui venait de rentrer de course et faisait la collation dans la cuisine en buvant un verre de cidre et en mangeant une tartine de beurre, s’offrit à sa place à nous montrer le château. Il déposa sa serviette, se suça les dents, alluma sa pipe, prit un paquet de clefs accroché à