Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/351

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à manger étaient ornés d’insectes et d’oiseaux adaptés verticalement à la muraille dans des boîtes garnies de vitres. J’ai promis de la graine de melon à mon cordial amphytrion. Le dîner après tout a été aimable, et je me suis un peu réconcilié avec ma voisine qui, au premier abord, m’a eu tout l’air d’une bécasse qui a peur de se mouiller les pieds dans de l’eau claire ; et voici pourquoi. J’étais débarqué d’omnibus par une chaleur confortable, ficelé et tiré dans mes dessous de pieds, avec une cravate de satin toute neuve, le lorgnon au bouton du gilet et des gants de la plus scrupuleuse blancheur dont mon bras avait l’air de sortir tant la main y était enchevêtrée. Après les salutations d’introduction on fit un tour de jardin ; le bon ton le plus exquis régnait dans mes manières, je laissais marcher seule dans les allées une jeune dame, la fille de la maison, dans la crainte de faire l’empressé. Me trouvant simplement près d’elle, je lui offris enfin mon bras qu’elle refusa, ce que je trouvai de fort mauvais goût ; car aussitôt je fis un retour sur moi-même où je ne me flattai pas médiocrement, et je repassai dans un éclair tous mes avantages physiques et intellectuels, avec une telle lucidité que j’en rougis presque d’humilité. Au reste, on enfonçait dans les allées du jardin comme dans des landes, et ce que j’y trouvais de plus beau, c’est le chant des cri-cris le soir, après dîner, qui valait mieux que les maigres accords du piano asthmatique.

Puisque j’en suis au jardin, j’ai vu aussi hier le