Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/452

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Tout le revers de la montagne est couvert d’une forêt de hêtres qui poussent on ne sait comment dans les granits ; de grands glacis s’étendent les uns sur les autres ; nos malheureuses bêtes, que personne ne conduisait, hésitaient à chaque pas à avancer et piétinaient de devant, toutes tremblantes de peur ; nous-mêmes, à l’aide de grands bâtons que nous avions ramassés, ne pouvions faire autrement que de marcher à pas de géants et de sauter tant bien que mal par-dessus les racines qui ressortaient du sol et s’étendaient au loin au milieu des pierres.

Nous avons trouvé au bas de cette côte quelques amis du capitaine (tous armés de fusils et accompagnés de chiens), qui étaient venus à sa rencontre. Il faisait presque nuit, le vent du soir venait sécher la sueur qui trempait nos cheveux ; comme je me sentais bon jarret, je fis lestement à pied la distance qui nous séparait du village, le maquis alors n’avait pas plus de deux pieds de hauteur ; cela reposait de courir dans les ronces et les joncs marins, après avoir sauté sur du granit. Enfin au détour d’une petite colline, nous aperçûmes des champs enclos de haies et nous entendîmes des chiens japper, et bientôt nous arrivâmes au village.

La maison du fils du capitaine, où nous devions loger, se trouve la dernière du pays. À la voir extérieurement, avec toutes ses vitres cassées, et ses sombres murs gris, je présumais un triste gîte ; mais deux gros enfants joufflus et