Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/456

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le plus mince épicier de province pour monter jusqu’au roi !

À côté de lui se tenait un autre homme maigre et noir, une figure pleine de feu, grimaçant et pétillant d’expression rustique : c’est le parent qui communique avec lui, lui fait parvenir les vivres et les nouvelles. Tout le temps il est resté assis sur une malle qui se trouvait là et a gardé son bonnet de laine, il parlait à voix basse et très vivement.

Nous avons causé longtemps ensemble, nous nous sommes occupés des moyens de le faire sortir de la Corse. Comme son signalement au besoin eût pu passer pour le mien, je lui ai proposé mon passeport, mais l’autre homme en a tiré un autre de sa poche qu’il s’était procuré sous un faux nom ; de ce côté les mesures sont bien prises. Il a été question de le faire aller à la sucrerie de M. Dupuis et de là on l’aurait fait passer en Normandie avec les ouvriers qui retourneraient chez eux, mais il aborderait peut-être plus difficilement sur la terre de France que sur celle d’Italie ; il est donc décidé que la première barque que l’on pourra trouver à Sagone doublera Bonifacio et viendra le prendre la nuit sur le rivage de Fiumorbo. De là il ira à Livourne, tâchera de s’accrocher à quelque commerçant d’Alexandrie ou de Smyrne et de passer avec lui en Égypte où il prendra du service.

Au bout d’une heure il nous a quittés, le capitaine lui a versé une goutte, deux doigts d’eau-de-vie ;