Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/478

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sein, vous attire à elle avec des séductions charmantes. J’irai bien en Grèce ; me voilà lisant Homère, son vieux poète qui l’aimait tant, et à Constantinople, à qui j’ai pensé plus d’heures dans ma vie qu’il n’en faudrait pour faire d’ici le voyage à pied, ayant toute ma vie aimé à me coucher sur des tapis, à respirer des parfums, regrettant de n’avoir ni esclaves, ni sérails, ni mosquées pavées de marbre et de porphyre, ni cimeterre de Damas pour faire tomber les têtes de ceux qui m’ennuient.

Oh ! moi qui si souvent en regardant la lune, soit les hivers à Rouen, soit l’été sous le ciel du Midi, ai pensé à Babylone, à Ninive, à Persépolis, à Palmyre, aux campements d’Alexandre, aux marches des caravanes, aux clochettes des chamelles, aux grands silences du désert, aux horizons rouges et vides, est-ce que je n’irai pas m’abreuver de poésie, de lumière, de choses immenses et sans nom à cette source où remontent tous mes rêves ?

Povero ! Tu iras dimanche prochain à Déville, s’il fait beau ; cet été, à Pont-l’Évêque.

Encore un mot : Je réserve dix cahiers de bon papier que j’avais destinés à être noircis en route, je vais les cacheter et les serrer précieusement, après avoir écrit sur le couvert : papier blanc pour d’autres voyages.