Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/48

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nues d’au delà des mers, dieux, chaussures, parasols et lanternes, futilités splendides en couleur qui font rêver à d’autres mondes, niaiseries sans usage qui pour nous sont des choses graves.

Je crois que Nantes est une ville assez bête, mais j’y ai tant mangé de salicoques que j’en garde un doux souvenir.

Ce qui prouve que Nantes ne nous a pas ennuyés, c’est que nous étions sur le point d’en partir quand nous nous sommes dit qu’il fallait cependant la voir.

Ce n’est pas la saleté sombre de Lyon, ni le mouvement du Havre ou de Marseille, ni l’alignement de Bordeaux, ville si joliment bâtie qui ressemble à un bel homme bien cravaté ; ça ne vaut pas Rouen qui serait beau si on ne l’embellissait et que j’aimerais si je n’y étais né. Du haut de la cathédrale, pourtant, on découvre un horizon qui vous récompense de vous être essoufflé à grimper les escaliers : en bas, à pic, les maisons se pressent et tassent leurs toits comme les chapeaux pointus d’une foule qui se serre aux épaules ; à gauche, une large prairie se mouille au bord du fleuve large et gris qui se divise et fait un coude, tandis que les deux cours de l’Erdre et de la Sèvre, multipliant leurs bras et leurs îles, découpent la campagne en grandes lignes grises. Ce jour-là le ciel était d’une lumière pâle qui, harmonisant sa teinte aux couleurs bourbeuses des eaux, donnait à cet ensemble un aspect tranquille et triste. La campagne est vaste, étendue, plus verte et plus vivante