Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/5

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cher quelque coin de ciel pur, floconné de nuages enroulés, ou de découvrir au revers d’une roche blanche, caché sous les houx et les chênes, assis entre le fleuve et la colline, un de ces pauvres petits villages comme on en rencontre encore, avec des maisons en bois, de la vigne qui monte aux murs, du linge qui sèche sur la haie et des vaches à l’abreuvoir.

À d’autres temps, pour plus tard, les grands voyages à travers le monde, au dos des chameaux sur des selles turques, ou sous le tendelet des éléphants ; à d’autres temps, si jamais ça arrive, le grelot des mules andalouses, les pérégrinations rêveuses dans la Marenne, et les mélancolies de l’histoire, surgissant, avec les vapeurs du crépuscule, du fond de ces horizons où se sont passées les choses que l’on rêve dans les vieux livres.

Aujourd’hui, sans trop quitter le coin de sa cheminée où on laisse pour les y retrouver, presque tièdes encore, sa pipe et ses songeries, et sans aucun des poignants arrachements du départ, on s’en va, sac au dos, souliers ferrés aux pieds, gourdin en main, fumée aux lèvres et fantaisie en tête, courir les champs pour coucher dans les auberges dans de grands lits à baldaquin, pour écouter les oiseaux sous les arbres quand il a plu et pour voir, le dimanche, les paysannes sous le porche de l’église sortir de la messe avec leurs grands bonnets blancs et leurs gros jupons rouges, et quoi encore ? pour se hâler la peau à coup sûr et pour attraper des poux peut-être ?