Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/92

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piqué de perles et hérissé de plumes, six militaires, de grades différents, se tiennent majestueusement, portant, chacun à la main, des palmes oblongues comme des cornichons, et dans la seconde s’accomplit le Saint Sacrifice de la messe : on voit le prêtre, le calice, l’autel, quatre colonnes de perles, aux quatre coins du sanctuaire, plus deux enfants de chœur surchargés d’énormes pains de sucre rouges qui sont censés être les calottes de ces jeunes drôles.

Ce lieu était si honnête, si bénin, exhalait un tel parfum de candeur, une modestie si bête, mais si douce, la grande armoire à ferrements de cuivre brillait si propre sous les cuvettes de Russie qui en ornaient la corniche, et les paniers d’osier crochés au sommier avaient l’air, comme tout le reste, si tranquille et si bonhomme que nous décrétâmes de suite que Carnac nous plaisait et que nous y resterions quelque temps.

Nos fenêtres donnaient sur la place de l’Église, où des enfants jouaient aux billes à l’ombre d’un tilleul. C’était là l’unique bruit du village, il n’y passe pas de voiture, il n’y a pas de boutiques et tout le pain qu’on y mange se cuit là en bas, dans la cuisine, dont la moitié est consacrée à une boulangerie.

Quoique ne parlant pas le français et décorant leurs intérieurs de cette façon, on vit donc là tout de même, on y dort, on y boit, on y fait l’amour et on y meurt tout comme chez nous ; ce sont aussi des humains que ces êtres-là. Mais comme ils s’oc-