Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/97

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en coin. Il est vrai qu’on n’y eut pas été absolument contraint, car on n’enterrait ainsi que ceux surtout dont le parti avait triomphé. Ô brave Olaüs Magnus, vous aimiez donc bien fort le Monte Pulciano et combien vous a-t-il fallu de rasades pour nous apprendre toutes ces belles choses ?

Un certain docteur Borlase, qui avait observé en Cornouailles des pierres pareilles, a dit aussi son petit mot là-dessus. Selon lui, on a enterré là des soldats à l’endroit même où ils avaient combattu. Où diable a-t-il vu qu’on les charriât ordinairement au cimetière ? « Leurs tombeaux, ajoute-t-il, sont rangés en ligne droite comme le front d’une armée dans les plaines qui ont été le théâtre de quelques grandes actions. » Cette comparaison est d’une poésie si grandiose qu’elle m’enlève et je suis un peu de l’avis du docteur Borlase.

On a été ensuite chercher les Grecs, les Égyptiens et les Cochinchinois. Il y a un Karnak en Égypte, s’est-on dit, il y en a un en Basse-Bretagne, nous n’entendons ni le cophte, ni le breton ; or, il est probable que le Carnac d’ici descend du Karnak de là-bas, cela est sûr, car là-bas, ce sont des sphinx alignés, ici ce sont des blocs, des deux côtés de la pierre. D’où il résulte que les Égyptiens (peuple qui ne voyageait pas) seront venus sur ces côtes (dont ils ignoraient l’existence), y auront fondé une colonie (car ils n’en fondaient nulle part) et qu’ils y auront laissé ces statues brutes (eux qui en faisaient de si belles), témoi-