Page:Flaubert - Salammbô.djvu/115

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tribus avaient été mis en croix ou jetés aux lions.

Tunis surtout exécrait Carthage ! Plus vieille que la métropole, elle ne lui pardonnait point sa grandeur ; elle se tenait en face de ses murs, accroupie dans la fange, au bord de l’eau, comme une bête venimeuse qui la regardait. Les déportations, les massacres et les épidémies ne l’affaiblissaient pas. Elle avait soutenu Archagate, fils d’Agathoclès. Les Mangeurs de choses immondes, tout de suite, y trouvèrent des armes.

Les courriers n’étaient pas encore partis que dans les provinces une joie universelle éclata. Sans rien attendre, on étrangla dans les bains les intendants des maisons et les fonctionnaires de la République ; on retira des cavernes les vieilles armes que l’on cachait ; avec le fer des charrues on forgea des épées ; les enfants sur les portes aiguisaient des javelots, et les femmes donnèrent leurs colliers, leurs bagues, leurs pendants d’oreilles, tout ce qui pouvait servir à la destruction de Carthage. Chacun y voulait contribuer. Les paquets de lances s’amoncelaient dans les bourgs, comme des gerbes de maïs. On expédia des bestiaux et de l’argent. Mâtho paya vite aux Mercenaires l’arrérage de leur solde ; et cette idée de Spendius le fit nommer général en chef, schalischim des Barbares.

En même temps, les secours d’hommes affluaient. D’abord parurent les gens de la race autochtone, puis les esclaves des campagnes. Des caravanes de Nègres furent saisies, on les arma, et des marchands qui venaient à Carthage, dans l’espoir d’un profit plus certain, se mêlèrent aux Barbares. Il arrivait incessamment des bandes