Page:Flaubert - Salammbô.djvu/127

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(car ce jour-là les deux partis, trop las pour combattre, se reposaient), lorsque, au tournant des collines, l’armée carthaginoise parut.

Des goujats munis de frondes étaient espacés sur les ailes. Les gardes de la Légion, sous leurs armures en écailles d’or, formaient la première ligne, avec leurs gros chevaux sans crinière, sans poil, sans oreilles, et qui avaient au milieu du front une corne d’argent pour les faire ressembler à des rhinocéros. Entre leurs escadrons, des jeunes gens, coiffés d’un petit casque, balançaient dans chaque main un javelot de frêne ; les longues piques de la lourde infanterie s’avançaient par derrière. Tous ces marchands avaient accumulé sur leurs corps le plus d’armes possible : on en voyait qui portaient à la fois une lance, une hache, une massue, deux glaives ; d’autres, comme des porcs-épics, étaient hérissés de dards, et leurs bras s’écartaient de leurs cuirasses en lames de corne ou en plaques de fer. Enfin apparurent les échafaudages des hautes machines : carrobalistes, onagres, catapultes et scorpions, oscillant sur des chariots tirés par des mulets et des quadriges de bœufs ; et à mesure que l’armée se développait, les capitaines, en haletant, couraient de droite et de gauche pour communiquer des ordres, faire joindre les files et maintenir les intervalles. Ceux des Anciens qui commandaient étaient venus avec des casques de pourpre dont les franges magnifiques s’embarrassaient dans les courroies de leurs cothurnes. Leurs visages, tout barbouillés de vermillon, reluisaient sous des casques énormes surmontés de dieux ; et, comme ils avaient des boucliers à bordure d’ivoire couverte de pierre-