Page:Flaubert - Salammbô.djvu/197

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poussait l’infanterie avec la pointe des piques. L’obscurité redoubla. On avait perdu la route. Tous s’arrêtèrent.

Des esclaves du Suffète partirent en avant pour chercher les balises plantées par son ordre de distance en distance. Ils criaient dans les ténèbres, et de loin l’armée les suivait.

On sentit la résistance du sol. Une courbe blanchâtre se dessina vaguement, et ils se trouvèrent sur le bord du Macar.

Malgré le froid, on n’alluma pas de feux.

Au milieu de la nuit, des rafales de vent s’élevèrent. Hamilcar fit réveiller les soldats, mais pas une trompette ne sonna : leurs capitaines les frappaient doucement sur l’épaule.

Un homme d’une haute taille descendit dans l’eau. Elle ne venait pas à la ceinture ; on pouvait passer.

Le Suffète ordonna que trente-deux des éléphants se placeraient dans le fleuve cent pas plus loin, tandis que les autres, plus bas, arrêteraient les lignes d’hommes emportées par le courant ; et tous, en tenant leurs armes au-dessus de leur tête, traversèrent le Macar comme entre deux murailles. Il avait remarqué que le vent d’ouest, en poussant les sables, obstruait le fleuve et formait dans sa longueur une chaussée naturelle.

Maintenant il était sur la rive gauche en face d’Utique, et dans une vaste plaine, avantage pour ses éléphants qui faisaient la force de son armée.

Ce tour de génie enthousiasma les soldats. Ils voulaient tout de suite courir aux Barbares ; le Suffète les fit se reposer pendant deux heures. Dès que