Page:Flaubert - Salammbô.djvu/220

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Ces marches et ces contremarches fatiguaient encore plus les Carthaginois ; et les forces d’Hamilcar, n’étant pas renouvelées, de jour en jour diminuaient. Maintenant, les gens de la campagne lui apportaient des vivres avec plus de lenteur. Il rencontrait partout une hésitation, une haine taciturne ; malgré ses supplications près du Grand Conseil, aucun secours n’arrivait de Carthage.

On disait (on croyait peut-être) qu’il n’en avait pas besoin. C’était une ruse, ou des plaintes inutiles ; et les partisans d’Hannon, afin de le desservir, exagéraient l’importance de sa victoire. Les troupes qu’il commandait, on en faisait le sacrifice ; mais on n’allait pas ainsi continuellement fournir à toutes ses demandes. La guerre était bien assez lourde ! elle avait trop coûté ; et, par orgueil, les patriciens de sa faction l’appuyaient avec mollesse.

Alors, désespérant de la République, Hamilcar leva de force dans les tribus tout ce qu’il lui fallait pour la guerre : du grain, de l’huile, du bois, des bestiaux et des hommes. Les habitants ne tardèrent pas à s’enfuir. Les bourgs que l’on traversait étaient vides ; on fouillait les cabanes sans y rien trouver ; bientôt une effroyable solitude enveloppa l’armée punique.

Les Carthaginois, furieux, se mirent à saccager les provinces ; ils comblaient les citernes, incendiaient les maisons. Les flammèches, emportées par le vent, s’éparpillaient au loin, et sur les montagnes des forêts entières brûlaient ; elles bordaient les vallées d’une couronne de feux ; pour passer au delà, on était forcé d’attendre. Puis ils reprenaient