Page:Flaubert - Salammbô.djvu/229

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pur, s’étalait, plus lisse et froid à l’œil qu’une coupole de métal. Hamilcar était si indigné contre Carthage qu’il sentait l’envie de se jeter dans les Barbares pour les conduire sur elle. Puis voilà que les porteurs, les vivandiers, les esclaves commençaient à murmurer, et ni le peuple ni le Grand Conseil, personne n’envoyait même une espérance ! La situation était intolérable par l’idée surtout qu’elle deviendrait pire.

À la nouvelle du désastre, Carthage avait comme bondi de colère et de haine ; on aurait moins exécré le Suffète, si, dès le commencement, il se fût laissé vaincre.

Mais pour acheter d’autres Mercenaires, le temps manquait, l’argent manquait. Quant à lever des soldats dans la ville, comment les équiper ? Hamilcar avait pris toutes les armes ! et qui donc les commanderait ? Les meilleurs capitaines se trouvaient là-bas avec lui ! Des hommes expédiés par le Suffète arrivaient dans les rues, poussaient des cris. Le Grand Conseil s’en émut, et il s’arrangea pour les faire disparaître.

C’était une prudence inutile ; tous accusaient Barca de s’être conduit avec mollesse. Il aurait dû, après sa victoire, anéantir les Mercenaires. Pourquoi avait-il ravagé les tribus ? On s’était cependant imposé d’assez lourds sacrifices ! et les patriciens déploraient leur contribution de quatorze shekels, les Syssites leurs deux cent vingt-trois mille kikars d’or ; ceux qui n’avaient rien donné se lamentaient comme les autres. La populace était jalouse des Carthaginois nouveaux auxquels il avait promis le droit de cité complet ; et