Page:Flaubert - Salammbô.djvu/239

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Elle demanda ce qu’elle y deviendrait.

— D’abord, tu languiras, légère comme une vapeur qui se balance sur les flots ; et, après des épreuves et des angoisses plus longues, tu t’en iras dans le foyer du Soleil, à la source même de l’Intelligence !

Cependant il ne parlait pas de la Rabbet. Salammbô s’imaginait que c’était par pudeur pour sa déesse vaincue, et l’appelant d’un nom commun qui désignait la lune, elle se répandait en bénédictions sur l’astre fertile et doux. À la fin, il s’écria :

— Non ! non ! elle tire de l’autre toute sa fécondité ! Ne la vois-tu pas vagabondant autour de lui comme une femme amoureuse qui court après un homme dans un champ ?

Et sans cesse il exaltait la vertu de la lumière.

Loin d’abattre ses désirs mystiques, au contraire il les sollicitait, et même il semblait prendre de la joie à la désoler par les révélations d’une doctrine impitoyable. Salammbô, malgré les douleurs de son amour, se jetait dessus avec emportement.

Mais plus Schahabarim se sentait douter de Tanit, plus il voulait y croire. Au fond de son âme un remords l’arrêtait. Il lui aurait fallu quelque preuve, une manifestation des dieux, et dans l’espoir de l’obtenir, il imagina une entreprise qui pouvait à la fois sauver sa patrie et sa croyance.

Dès lors il se mit, devant Salammbô, à déplorer le sacrilège et les malheurs qui en résultaient jusque dans les régions du ciel. Puis, tout à coup, il lui annonça le péril du Suffète, assailli par trois armées que commandait Mâtho ; car Mâtho, pour