Page:Flaubert - Salammbô.djvu/242

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l’attitude des serpents. La corbeille était vide ; Salammbô fut troublée.

Elle le trouva enroulé par la queue à un des balustres d’argent, près du lit suspendu, et il s’y frottait pour se dégager de sa vieille peau jaunâtre, tandis que son corps tout luisant et clair s’allongeait comme un glaive à moitié sorti du fourreau.

Les jours suivants, à mesure qu’elle se laissait convaincre, qu’elle était plus disposée à secourir Tanit, le python se guérissait, grossissait ; il semblait revivre.

La certitude que Schahabarim exprimait la volonté des dieux s’établit alors dans sa conscience. Un matin, elle se réveilla déterminée, et elle demanda ce qu’il fallait pour que Mâtho rendît le voile.

— Le réclamer, dit Schahabarim.

— Mais s’il refuse ?

Le prêtre la considéra fixement, et avec un sourire qu’elle n’avait jamais vu.

— Oui, comment faire ? répéta Salammbô.

Il roulait entre ses doigts l’extrémité des bandelettes qui tombaient de sa tiare sur ses épaules, les yeux baissés, immobile. Enfin, voyant qu’elle ne comprenait pas :

— Tu seras seule avec lui.

— Après ? dit-elle.

— Seule dans sa tente.

— Et alors ?

Schahabarim se mordit les lèvres. Il cherchait quelque phrase, un détour.

— Si tu dois mourir, ce sera plus tard, dit-il, plus tard ! ne crains rien ! et quoi qu’il entreprenne, n’appelle pas, ne t’effraye pas ! Tu seras humble,